ARRESTATION DE CHARLES GEFFROY
PAR DES GENDARMES FRANCAIS
LE 16 AOUT 1941
A CALLAC
Charles GEFFROY
extrait du cahier n°5 du Comité pour l'Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Charles GEFFROY a aujourd'hui 72 ans, boulanger retraité il raconte :
- "J'ai été arrêté le 16 août 1941 par les gendarmes français avec 7 autres résistants de Callac dont Louis GEFFROY, mon père, ainsi que Alexandre POULICHOT, Louis HENRY, François JEZEQUEL, Léon COLCANAP, Louis HENAFF et Yves LE BON.
On nous accusait d'activité communiste parce que dès 1940 on distribuait des tracts et journaux du parti, notamment "l'Humanité" clandestine avec Jean-Marie LE BORGNE notre responsable et dont le fils fut fusillé par tes nazis.
Envoyé à la prison de Guingamp puis à Châteaubriant, menottes aux mains, on arriva au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure ; Loire-Atlantique) le 18 août 1941" ...
Aujourd'hui, seul survivant du groupe des huit, Charles ne risque pas d'oublier cette période tragique.
Guy Moquet, son ami
II a bien connu les martyrs de Châteaubriant : Jean-Pierre TIMBAUD, Charles MICHELS, GRANET, POULMARCH.., ainsi que le jeune Guy MOQUET. "Guy MOQUET, raconte CHARLOT, c'était un bon copain. J'étais le plus jeune du camp, j'avais 16 ans et Guy était mon aîné de quelques mois. Avec lui nous avions organisé des jeux et des activités diverses. Une piste avait été construite pour ta course à pied que nous pratiquions ensemble.
Lorsque nous apprîmes que Jean CATALAS, membre du comité central du PCF et député fut guillotiné, nous fûmes chargés, Guy MOQUET et moi-même (nous étions les plus jeunes) d'aller remettre à travers les barbelés, une gerbe de fleurs à l'épouse de ce héros de la résistance qui était internée elle aussi à Châteaubriant, dans ta partie du camp réservée aux femmes. "
Les 27 otages
Une dizaine de jours avant la fusillade du 22 octobre 1941 une trentaine d'internés avaient été placés dans les baraques à part, isolées et gardées. Ils étaient considérés comme "les chefs". En fait ils étaient déjà des otages.
Le 20 octobre, un officier allemand avait été abattu à Nantes. C'était le colonel HOTZ commandant de la place. Le lendemain, le général allemand STUELPNAGEL, de Paris, ordonnait l'exécution de 50 otages.
Le 21 au matin, la garde du camp fut relevée par les Allemands. Ils n'avaient pas suffisamment confiance dans les gendarmes français et craignaient une révolte au camp.
Le 22 octobre les Allemands disposèrent des fusils-mitrailleurs autour et même à l'intérieur du camp.
J'étais avec Guy MOQUET lorsque nous avons entendu les coups de sifflets destinés à nous faire entrer tous dans les baraques. Ce malin là, Guy ne parlait pas. Lorsqu'il m'a quitté je lui ai dit : "À tout à l'heure !" "Non, m'a-t-il répondu, tout à l'heure ce sera fini !". Il savait, il avait surpris des conversations, 27 internés au total, désignés par PUCHEU, ministre de PÉTAIN, furent rassemblés dans la même baraque, la "baraque de la mort". Une mitrailleuse fut placée devant la porte.
Lorsqu'on vint chercher nos camarades en camions pour les transporter sur le lieu du massacre, toutes les fenêtres des baraques s'ouvrirent et sortant de toutes les poitrines, la Marseillaise puis l'Internationale retentirent.
Morts pour la France
Des camions qui les emmenaient, les martyrs nous criaient : "Courage camarades". Sur le passage des camions traversant les rues de Châteaubriant la population se découvrait en entendant nos camarades chanter la Marseillaise.
Au moment de la fusillade, poursuit Chariot, nous nous sommes rassemblés sur la place dans te camp et avons observé une minute de silence, puis à l'appel du nom de chaque camarade fusillé nous avons répondu : "Mort pour la France !"
Nous sommes ensuite entrés dans la "baraque de la mort" et j'ai pu lire cette inscription de Guy MOQUET : "Les copains qui restez, soyez dignes de nous les 27 qui allons mourir !"
Ils avaient aussi rédigé d'admirables lettres d'adieu. Lorsque le prêtre leur rendit visite, ils refusèrent tous les sacrements, n'étant pas croyants, mais ils lui confièrent leurs lettres afin de les faire parvenir aux ramilles respectives !...
Charles GEFFROY et ses camarades quittèrent le camp le 23 novembre pour Callac où ils furent placés en liberté surveillée. Néanmoins, ils reprendront le combat dans la résistance.
2ème arrestation à 19 ans
Le 9 avril 1944 c'est la grande rafle de Callac avec la participation de la Gestapo d'une section de la gendarmerie aux ordres du lieutenant FLAMBARD ainsi qu'une brigade de miliciens bretons aux ordres des SS (40 personnes furent arrêtées, 11 furent condamnées à mort et fusillées, 23 furent déportées).
Charles GEFFROY est arrêté pour la deuxième fois, ainsi que son frère. Il dut subir d'affreuses tortures à la prison de Saint-Brieuc, à trois reprises il perdit connaissance. Avec son frère et quelques autres détenus il est expédié à Nantes où le convoi doit être formé pour la déportation en Allemagne.
Dans le wagon, entre Nantes et Angers "CHARLOT" et ses camarades réussissent à ouvrir la porte. Ils s'évadent et se dispersent dans la nature. CHARLOT et ses camarades reviennent au pays et entrent au maquis car ils sont activement recherchés. Affecté à la compagnie "Ernest LE BORGNE" du bataillon "Guy MOQUET", Charles GEFFROY participe aux diverses activités de la compagnie et aux combats pour la libération du pays restant en cela fidèle aux recommandations de son ami disparu : Guy MOQUET.
Après la libération du pays, CHARLOT reprend du service à la boulangerie familiale. Il est aujourd'hui en retraite et continue ses activités au sein des organisations d'anciens combattants et déportés internés.
Diminué physiquement après tout ce qu'il a connu, il doit se soigner régulièrement, entouré de l'affection de sa famille et de ses amis, notamment de sa compagne Marie-Claire.
J'y pense : peut-être qu'après Gérard DEPARDIEU et Johnny HALLIDAY le Président de la République décernera-t-il à CHARLOT la Croix de la Légion d'Honneur !? Il l'a bien mérité lui aussi '!!
recueilli par Jean Le Jeune en 1997
GEFFROY Charles
Né le 16 avril 1924 à Callac, fils de Louis et de Marie KERMEN, demeurant rue de la gare à Callac, apprenti boulanger. Militant communiste.
Le 8 août 1941
Il est entendu par les gendarmes de la brigade de Callac pour avoir inscrit à la craie sur la propriété d'un charcutier de Callac une faucille, déclarant ne pas avoir eut le temps de faire le marteau.
Le 16 août 1941
Il est arrêté par les gendarmes de la brigade de Callac comme militant communiste, conduit au bureau de la brigade puis transféré à la maison d'arrêt de Guingamp à l'aide d'un camion mis spécialement à disposition de la brigade par la Kreiscommandantur.
Le 26 août 1941
Charles Geffroy est interné à Châteaubriant (Loire-Inférieure ; Loire-Atlantique).
Le 23 octobre 1941
Il est libéré et rejoint Callac.
Le 9 avril 1944
Il est arrêté lors d'une opération de police à Callac menée par les allemands secondés par des gendarmes français et des miliciens autonomistes de la Bezen Perrot. Emprisonné à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc où il est martyrisé, puis au camp Marguerite de Rennes (Ille-et-Vilaine).
Le 28 juin 1944
Il quitte Rennes par train en direction de l'Allemagne.
Le 1er juillet 1944
Il s'évade du train en compagnie d'autres Callacois et rejoint Callac, activement recherché il rentre dans le maquis dans la compagnie FTP Ernest Le Borgne.
Les 7 autres arrestations du 16 août 1941
COLCANAP Léon,
Né le 27 juin 1914 à Callac, fils de Pierre, Marie, charpentier et de Joséphine LE DENMAT, sabotier, marié un enfant, demeurant à Peulven en Callac. Adopté par la nation le 20 juillet 1921. Décédé le 23 février 1978 à Gravelle (Mayenne).
GEFFROY Jean, Louis
Né le 6 janvier 1896 à Callac, fils de François, Louis, propriétaire cultivateur et de Marie, Anne KERVERN, boulanger, marié 4 enfants, demeurant rue de la Gare à Callac. Décédé le 20 dévembre 1965 à Callac.
HENAFF Jacques, Louis, Marie
Né le 1er avril 1907 à Saint-Servais, fils de Jules, cultivateur et de Suzanne LE GOURRIER, chauffeur, marié deux enfants, demeurant rue Jobic à Callac.
HENRY Louis, Henri
Né le 26 juin 1896 à Landugen-Bras en Duault, fils de François, laboureur et de Perrine PIERRE, retraité du gaz de Paris, veuf sans enfant, demeurant rue de l'Allée à Callac. Arrêté le 8 avril 1944 à Callac, déporté au camp de concentration de Neuengamme près de Hambourg (Allemagne) et décédé le 15 février 1944.
JEZEQUEL Guillaume, Jérôme, "François"
Né le 25 décembre 1884 à Carnoët, fils de Claude, laboureur et de Marie BLANCHARD, retraité, marié sans enfant, demeurant rue Neuve à Callac. Décédé le 1er février 1962 à Callac.
LE BON Yves, Marie
Né le 29 avril 1900 à Callac, fils de François, Louis, couvreur en ardoises et de Marie, Perrine GEFFROY, plâtrier, veuf avec 3 enfants, demeurant rue Traversière à Callac. Décédé le 9 janvier 1963 à Callac.
POULICHOT Alexandre, Marie
Né le 29 juin 1903 à Callac, fils de Louis, maçon et d'Anastasie PIERRE, sabotier, marié deux enfants, demeurant rue de la Gare à Callac. Dédécé le 22 juillet 1987 à Pabu.